Vies de carton à Bogota


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Bogota étale ses quartiers à 2 650 mètres d'altitude, sur un plateau de la cordillère orientale. Pour compenser son manque de relief, la ville libérée en 1819 par Bolivar peut s'enorgueillir de posséder de nombreuses montagnes intra-muros. En effet, des tonnes d'immondices s'amoncellent dans les quartiers riches de la capitale colombienne.

lanant dans ces tas d'ordures tout ce qui peut être récupéré, revendu ou tout simplement mangé, environ 100 000 miséreux survivent grâce au trop plein de la bourgeoisie bogotéenne. Les "cartoneros", les chiffonniers de Bogota travaillent à la tombée de la nuit. Dans la journée, il ne faut surtout pas importuner les riches. Ces derniers ressentiraient une certaine gêne à exhiber leur BMW devant les regards de ces "olvidados" des temps modernes. C'est donc vers 9 heures du soir qu'un long cortège d'indigents gagne les quartiers nord et leurs poubelles qui regorgent de richesses inattendues.

Dans Métropolis, le chef d'oeuvre de Fritz Lang ou dans Le roi et l'oiseau le dessin animé de Paul Grimault, les déshérités travaillent en sous-sol tandis qu'un nombre restreint d'élus jouit de tous les plaisirs de l'existence en surface. A Bogota, à défaut d'être verticale, la séparation s'avère géographique et temporelle : à ceux qui sont bien nés le Nord et un vie active diurne, aux autres, le Sud et les lumières artificielles de la nuit urbaine. Signe d'une certaine équité sociale, comme tous les autres travailleurs, les cartoneros cessent de travailler le vendredi soir. Et le désiraient-ils qu'il ne pourraient effectuer leur besogne ! En fait, le week-end, la jeunesse dorée sort en boîte jusqu'à des heures indues. Et pour éviter qu'elle n'ait à souffrir des sans-logis, la police redouble de zèle pour débarrasser les rues de Bogota.

C'est à l'aide de caisses en bois montées sur roulements à bille que ces Colombiens que seule l'extrême pauvreté unit s'échinent à récolter bouteilles, cartons et métaux. Une quête nocturne qui dure environ 10 heures et qui finit d'enlever le peu de force que conservent ces ectoplasmes en lambeaux. Au réveil des nantis, ils retourneront vers le sud de Bogota, retrouveront les maisons sales, les chemins défoncés et surtout les échoppes sordides des recicladores, ces grossistes en misère à qui ils pourront revendre leur butin.

De prime abord, cette cohabitation entre riches et pauvres, entre immeubles luxueux et bidonvilles ressemble à celle que connaissent de nombreuses mégapoles du tiers-monde. De Calcutta au Caire, les images d'une humanité pouilleuse vivant de l'exploitation de décharges à ciel ouvert participent d'une vision habituelle de l'hémisphère Sud. Seulement, à Bogota, outre les maladies, la malnutrition -40 ans de moyenne d'âge pour les cartoneros- les laissés pour compte doivent également échapper au nettoyage social.

Rédactionnel d'un sujet photo de l'agence Gamma