Les vieilles qui marchaient dans l'amer


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a Toussaint, le premier novembre. On fréquente ses morts. Direction Villepinte. Deux cimetières, face à face, se disputent les faveurs de la foule. Une plus grande affluence me guide tout naturellement vers celui de droite. Le temps, les allées, les gens qui déambulent : tout transpire le sordide, surtout en ce jour pluvioteux et crachoteux. Le quatrième voire le cinquième âge est majoritairement représenté, s'habituant aux lieux qu'il va bientôt hanter. Fernande et Micheline viennent fleurir la tombe de feu leur compagnon. "Il était très tendre", "Toujours fidèle". Ces commentaires banals,nous les retrouvons sur le marbre des tombes : "A notre grand amour", "A l'ami fidèle qui nous a quitté" . D'autres sépultures, cependant, attirent un peu plus l'attention : "A notre Sophie qui nous a donné tant de joie et de tendresse dans sa trop courte vie", 1979-83. "A Karine qu'un destin cruel nous a enlevé trop tôt", 1981-85. Poignant.

"ROOOOBERT !", un chien à la gueule écrasée vient de pisser sur une des tombes et se fait tancer par sa maîtresse furibarde. Je constate les dégâts : le liquide jaunâtre s'écoule lentement sur la belle pièce de marbre où gît Papillon, chien de police, 15 ans de bons et loyaux services dans le XVlème arrondissement. Mais la tombe vedette reste celui qui porte l'épitaphe suivante: "A Frisette. A ses semblables morts sans sépulture, Martyrs de la science". Une tête de chien sculptée à l'intérieur d'une boule de plâtre rappelant vaguement la forme d'un aéronef surplombe le sépulcre canin. "C'est Leika, la première chienne envoyée dans l'espace par les Russes" m'apprend Rose, une habituée des lieux qui s'affaire à l'entretien du caveau où reposent six de ses chiens: Julie, Lara, Snoopy, Mickey, Irak (sic) et Ulysse.

La concession coûte 500 francs, renouvelable à l'année. Le cercueil et la plaque de marbre peuvent délester de près de 15 000 francs l'une de ces valétudinaires qui, larmoyante, vient saluer son roquet défunt. Néanmoins le royaume des oua-oua et autres bestioles s'érige près du pont de Clichy, au Cimetière des Chiens et des Animaux domestiques de la ville d' Asnières. Il fut fondé en 1899 par Marguerite Durand, qui folle de désespoir à la disparition de son beau cheval blanc Gribouille, décida de faire de son immense jardin un sanctuaire dédié à la mémoire de la gent animale. Là, le même spectacle : une armée de grabataires s'arc-boute, se déhanche, s'use à embellir des stèles miniatures.

Devant ce touchant chromo,une pensée m'effleure : les cimetières humains demeurent STRICTEMENT INTERDIT AUX ANIMAUX, injustice criante qui empêche nos 30 millions d'amis d'espérer, le jour venu, rendre un dernier hommage humide à leurs chères maîtresses.

Article publié dans le journal de l'IFP